Philadelphia, patriotisme et chocolat

États-Unismardi 9 juillet 2013

Après Seattle, Chicago et Washington, nous continuons notre tour des grandes villes américaines avec Philadelphie. La ville, située à mi-chemin entre New York et DC, est l'un des hauts lieux de l'histoire américaine.

C'est en effet dans cette ville qu'un certain 4 juillet 1776, George, Ben, Thomas et leurs copains ont décidé que bon, le statut de colonie anglaise, c'est sympa mais ca suffit. Mais nous y reviendrons plus tard. En attendant, nous roulons sur l'interstate, et le paysage est franchement différent des grands espaces de l'Ouest. Les grosses villes se succèdent, des ponts gigantesques enjambent les zones portuaires et industrielles du Delaware, les chaines de fast food sont encore plus nombreuses qu'à l'accoutumée. Bienvenue sur la côte Est, l'une des plus grandes zones urbanisées du globe.

Nous arrivons à Philly après 4h de route dans les embouteillages et sous la pluie. La visite sera pour demain, nous nous rendons directement chez notre hôte.

Grâce à AirBnB, nous avons rencontré des gens de tous milieux et de tous horizons : du jeune couple amoureux des chiens à Oakland aux retraités américano-espagnols de Hurricane, en passant par la baba cool du Colorado et la musicienne de New Orleans. Il nous manquait bien sûr un jeune sympa mais fauché, plein de bonnes intentions mais qui devrait vraiment se trouver une copine.

Le voilà donc. Il s'appelle Brian, habite près du centre ville, dans une petite maison qui nous rappelle les débuts de Célia à Oxford, 6 ans auparavant (la toute première hein, pas la super coloc de Pipkin Way). Moquette beige partout, escalier qui grince, restes d'aliments douteux dans le frigo, et bazar généralisé. Cela n'empêche pas notre hôte de nous accueillir très chaleureusement, de nous donner un coup de main pour décharger nos tonnes de bagages, et de nous offrir à boire. Le courant passe bien mais la soirée se termine tôt, car nous sommes fatigués.

Le lendemain, nous démarrons doucement : la première étape consiste à rejoindre le centre ville. Qui aurait pu croire que deux parisiens aguerris auraient eu tant de mal pour emprunter un métro ? Le métro de Philadelphie est l'un des plus vieux du pays, et on a visiblement oublié de le rénover. Il fonctionne avec des jetons comme ceux des machines à café, qu'il faut acheter au guichetier qui n'est jamais là (ou qui de toute façon n'a pas de monnaie). Les correspondances sont mal indiquées et les couloirs sinueux et minuscules. Mais le mieux, c'est encore les horaires d'ouverture et la desserte des stations, qui semblent défier toute logique.

Philadelphie est située sur une presqu'île entre deux rivières. La ville n'est pas très grande, et est grosso-modo divisée en deux moitiés. A l'Ouest, le quartier business avec ses tours en verre et ses gens qui marchent vite. A l'Est, c'est la partie historique, celle qui nous intéresse le plus. Au centre, l'Hôtel de Ville, qui a un petit air de ressemblance avec celui de Paris. Le tout est desservi par un quadrillage de routes quasi parfait, façon Sim City.

Nous sortons du métro à l'hôtel de ville et prenons la direction du marché de la ville, où nous souhaitons aller nous ravitailler pour la journée. En entrant dans le marché couvert, c'est la grosse claque : des marchands de légumes, des poissonniers, des bouchers... après 2 mois à faire les courses chez Walmart, c'est un peu comme si nous avions gagné au loto ! Autant dire que ce marché est devenu Grand Fournisseur Officiel de Célia et Mika à Philadelphie.

Notre repas du midi acheté, nous continuons notre chemin vers le centre historique de la ville, et du pays tout entier : l'Independence Hall. C'est dans ce bâtiment de briques, surmonté d'un clocher, que siégeaient les dirigeants des 13 colonies anglaises. Et c'est ici qu'ils ont signé la fameuse déclaration d'indépendance, le texte fondateur du pays. Enfin, c'est ici qu'a gouverné George Washington, 1er président des Etats Unis, avant que la capitale ne soit déplacée dans la ville qui porte son nom. Bref, c'est du lourd.

Pour aller visiter le Hall, il faut obtenir un ticket, mais ceux de la journée ont déjà tous été distribués. Nous reviendrons donc demain, un peu plus tôt. Qu'a cela ne tienne, il y a bien d'autres choses à visiter dans le coin. La plus connue de toutes est sans doute la Cloche de l'Indépendance, cette cloche qui a sonné au moment d'annoncer au peuple la signature de la Déclaration. Un bâtiment a été conçu juste pour elle, dans lequel des expositions présentent la fabrication de la cloche, l'histoire de la cloche, l'histoire de la détérioration de la cloche, l'histoire de la restauration de la cloche, l'histoire de la re-détérioration de la cloche, puis enfin, la cloche elle-même.

Je pense que c'est une chose que les non-américains ne peuvent pas totalement comprendre. Nous comprenons la portée historique et symbolique de cette cloche, mais pour eux, c'est bien plus. Aux Etats Unis, l'histoire est un mythe, les personnages fondateurs sont des héros, les objets historiques des reliques, et les lieux des temples sacrés. Si le patriotisme était une religion, nous serions dans la Mecque de la religion américaine.

Tout autour, divers musées et sites historiques retracent l'histoire de la nation : la maison de Benjamin Franklin, le National Constitution Center ou encore le Edgar Allan Poe National Historic Site. Nous laissons la cloche derrière nous et décidons d'aller faire un petit tour dans la ville. Nous suivons une itinéraire indiqué dans un guide, qui nous fait passer par des petites rues bordées de bâtiments en briques. Encore un contraste saisissant avec l'Ouest : les rues sont relativement étroites, les voitures moins omniprésentes, et les bâtiments plus vieux. Philadelphie ressemble plus à Londres ou New York qu'à San Francisco ou Los Angeles.

La visite est agréable mais longue, alors nous finissons par regagner le marché pour y faire les courses du soir. Nous reprenons le métro (bien sûr, la station la plus proche est fermée), et rentrons chez notre hôte.

Nous faisons un festin à base de vraie saucisse et de vraies lentilles du marché (non, vous ne pouvez pas vous imaginer. Un festin, je vous dis.), et commençons à réfléchir un peu à la suite du programme. Il nous reste un bonne semaine de vacances, et nous sommes un peu nostalgiques des grands espaces de l'Ouest. L'histoire, les musées et les grandes villes commencent à nous peser. La décision est donc prise, la prochaine destination sera dans la nature !

Le lendemain, nous repartons vers Independance Hall, avec la ferme intention de le visiter. Cette fois, le guichetier du métro est là, mais il n'a pas de jetons à vendre, alors il propose de nous laisser passer pour 5 dollars. Non merci, ca sent l'embrouille. Nous ressortons et achetons nos jetons au kiosque à journaux. Fichu métro...

Cette fois ci, c'est bon, nous avons les tickets pour le Hall. La visite commence dans 2h, alors nous avons le temps d'aller visiter l'US Mint, juste à coté, qui fabrique toujours une partie des pièces de monnaie du pays. Nous ne voyons les pièces que de loin, et ils ne donnent pas d'échantillons, mais la visite est très intéressante. Sous nos yeux sont frappés des milliers et des milliers de dollars, et toutes les étapes du processus sont expliquées.

Il est temps de se rendre à Independence Hall. La visite est guidée et nous présente les lieux et leur histoire. Nous voyons la salle où se réunissait le Congrès et où fut conçue la Déclaration, le tribunal, et les bureaux des sénateurs. C'est intéressant, mais ca sent encore le tralala patriotique.

Le midi, nous retournons au marché pour une pause casse croûte. Nous choisissons une boutique qui propose des sandwiches à la viande. Mika choisit d'en prendre un "spicy", et se met vite à transpirer, dégouliner et boire une quantité d'eau impressionnante. Mais c'est bon quand même. Note pour plus tard : "spicy" américain > "spicy" européen. L'après midi, nous visitons la partie "business" de la ville, qui regroupe quelques oeuvres d'art, dont le célèbre "love", que tout le monde connait mais dont personne ne connaît l'origine.

Nous rentrons pas trop tard et retrouvons Brian, très occupé dans sa cuisine. Il a fait un gâteau, et nous en propose : c'est de la banane, cuite au four avec du café, du sucre, et encore un peu de banane au dessus. Intéressant. C'est sympa, mais en fait, non, on a pas très faim. Nous finissons la soirée en regardant Apollo 13. Brian nous a préparé des popcorns, et nous regardons le film en repensant à notre visite de Cape Canaveral, il y a 2 mois. Que de chemin parcouru depuis !

Le lendemain, Célia part visiter un bâtiment qui lui avait tapé dans l'oeil lors de notre balade de la veille : le siège des Francs Maçons. Pendant ce temps, Mika, qui n'a pas plus envie que ça d'aller voir, reste et fait les valises.

A l'intérieur, le bâtiment ressemble à un catalogue de styles architecturaux : la pièce égyptienne succède à la salle décorée façon Grèce antique, le tout orné de faux marbre et de vrais luminaires bien kitsch. La visite est malgré tout intéressante, on y apprend un peu plus sur les traditions mystérieuses des Francs-Maçons.

Célia revient, et nous quittons Philadelphia vers midi (merci Bryan, mais non, vraiment, pas de gateau banane-café-sucre avant de partir). Avant de poursuivre notre route, nous marquons un arrêt dans un centre commercial, pour faire le plein de vivres et acheter quelques cadeaux au passage.

Il n'y a pas qu'un centre commercial sur notre route : il y a aussi la ville de Hershey, connue par les américains pour sa fabrique de chocolat. Mais comme on est aux Etats Unis, la petite usine familiale s'est bien vite transformée en parc d'attractions, avec visites de la chaine de fabrication, dégustation et mascottes ridicules. On ne pouvait pas rater ça.

Nous y voilà donc, à Hershey's World. On pensait avoir vu du kitsch à Las Vegas, sur la route 66 et au Mt Rushmore, mais rien ne nous préparait à ce que nous avons vu à Hershey's World : des bonbons géants, des hordes de gamins surexcités qui courent dans tous les sens, et une odeur de pseudo-chocolat chimique. En plein milieu, une boutique vend des barres de chocolat de 1m de long et de 8kg, des babioles en plastique hors de prix, et tout le monde semble y faire des provisions de bonbons pour une année.

Le plus beau, c'est sans doute le "Great American Chocolate Tour Ride". (rien que le nom...). Sur le modèle de "It's a Small World" de Disney, un petit train nous emmène à travers des décors fluos, des vaches qui dansent et des faux bonbons qui passent sur un tapis roulant. Le message est à peu près le suivant :

- le chocolat et les bonbons c'est bon et c'est cool
- Hershey c'est le vrai chocolat américain
- toi aussi, viens danser et chanter dans le monde merveilleux du chocolat américain et des bonbons

A la fin, on nous distribue un échantillon de chocolat Hershey. Et non, c'est pas bon. En fait c'est même pas pas bon, c'est franchement mauvais. Ca a un goût de sucré chimique, ça ok, mais du chocolat... non, je vois pas.

(Avis aux amateurs d'expériences fortes : si vous aussi, vous avez envie de gouter le "vrai bon chocolat américain", il nous en reste).

Enfin, on s'est quand même offert une bonne tranche de rigolade, tellement qu'on est reparti faire un tour de manège pour revoir les vaches qui dansent. Mais cette fois, on a pas pris l'échantillon.

Nous sommes restés encore un peu, en regardant notamment les gamins se fabriquer leur "tablette de chocolat personnalisée" : après 30 min de queue, une machine colle une tablette sur un tapis roulant, un autre rajoute des petits machins en sucre ou des cacahuètes, et une dernière emballe ca dans une boite au nom de l'enfant. Ca fera 17$ la tablette de chocolat pas bon, merci d'être venu, à bientôt.

Nous sommes repartis assez vite, avec l'envie de se trouver une tablette de Crunch bien de chez nous pour nous changer le goût. Cherchez pas, y'a pas.

En 24 heures, on est passé du Independence Hall historique, solennel et patriotique, au Monde du Chocolat chimique, mercantile, et un peu patriotique aussi. Vivement demain.